Qu’est-ce qu’on attend pour faire évoluer l’enseignement de la thérapie manuelle ?


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Face à une série d’éditoriaux suggèrant que la crédibilité de la thérapie manuelle est en jeu, qu’elle est passée de mode, sans avenir assuré, en crise d’identité, des enseignants envisagent dans cet éditorial [1] les causes et conséquences sur la formation de l’irruption du modèle bio-psycho-social (BPS)

Cela ne concerne pas que la thérapie manuelle mais l’ensemble de l’enseignement en physiothérapie au moins pour la prise en charge des troubles musculo-squelettiques.

Doit-on continuer à encourager l’apprentissage parfois compliqué de technologies passives  basées sur des modèles biomécaniques ? 

La thérapie manuelle a une taille d’effet thérapeutique plutôt petite ; elle est peu mentionnées dans les guides cliniques. À mesure que le pendule oscille vers le modèle BPS, l’enseignement des sciences de la douleur et d’autres formes d’interventions «non-interventionnelles», c’est l’occasion de souligner l’importance d’une approche plus significative, holistique et partagée, centrée sur le patient.

Selon les auteurs, les enseignants doivent informer sur ce que ne doit pas être la thérapie manuelle tout en en proposant une variante actualisée.

Comme pour le médecin, la compétence essentielle est basée sur l’écoute et l’analyse correcte du récit du patient sur son expérience douloureuse. 

Elle englobe la compréhension des valeurs et des croyances du patient, permettent une alliance thérapeutique partagée grâce à des entretiens motivationnels et aident le praticien à comprendre ses propres biais implicites, y compris quand NE PAS utiliser des techniques manuelles dans le «plan de soins» du patient.

Un modèle proposé par Bialosky et al [2] tente de décrire tous les mécanismes impliqués lors d’un acte de thérapie manuelle, y compris le contexte. Il s’agit d’une feuille de route utile pour la pratique comme pour la recherche. Elle est retenue par les auteurs comme un canevas utile, mais je n’ai pas tout compris (voir en infra).

Les auteurs considèrent que si les cliniciens ont évolué vers ce modèle BPS, les formateurs n’ont pas encore fait leur révolution. 

Il est temps de mettre à jour des modèles d’enseignement obsolètes. 

  • L’enseignement de la thérapie manuelle ne doit plus se limiter à des reproductions de gestes passifs basé uniquement sur des opinions d’«experts». 
  • Les rencontres avec les patients doivent être favorisées. 
  • Les algorithmes de prise en charge en thérapie manuelle, les règles de prévision clinique tels qu’édictés par des «experts» sont obsolètes.
  • Il est nécessaire de stimuler la créativité des étudiants afin qu’ils puissent adapter leur prise en charge à la singularité de chaque patient, en fonction d’un contexte biopsychosocial unique.
  • Un cadre biomécanique peut servir à l’observation des mouvements au fur et à mesure des séances. 

Les concepts clés pour les apprenants au stade initial consistent à comprendre comment la dynamique patient-soignant interagit avec la réponse tissulaire biomécanique. 

Dans un deuxième temps, les enseignants devraient expliquer l’impact de la théorie neuro-physiologique sur la stabilité et le contrôle moteur. 

Dans un troisième temps, il est nécessaire de mettre l’accent sur la façon dont les praticiens sont en mesure de développer une alliance thérapeutique et de mesurer son influence sur les résultats des patients. 

Les auteurs terminent par «Éducateurs, qu’attendons-nous ?» 

Est-ce exportable à l’enseignement francophone ?

Démêler les mécanismes de la thérapie manuelle [2]

Je peine à comprendre les diagrammes figurant dans l’article. Bialosky a déjà été plus clair dans ses propos. Si cet article doit servir de modèle, on risque de perdre des étudiants en route.

Ce que j’en retiens n’est pas franchement nouveau :

La taille de l’effet de la thérapie manuelle apparait faible dans les différentes études contrôlées randomisées l’évaluant (peut être à cause d’une standardisation de l’intervention). 

La thérapie manuelle induit une réponse neuro-physiologique conduisant à une inhibition de la douleur par le moyen d’une force mécanique. 

A l’inverse des médicaments dont le principe actif cible un site particulier, la thérapie manuelle a un effet aux multiples facettes : 

  • Il est à la fois spécifique et non-spécifique (les modifications touchent le SNA comme le SNC)
  • Il est local et global (une manipulation vertébrale a aussi un effet à distance de son application, ce qui suggère une médiation centrale)
  • Il est fortement  dépendant du contexte. 
  • L’examen de référence pour juger de son efficacité est l’avis du patient.
  • Les convictions et préférences du praticien peuvent influencer fortement le résultat. 

Oserais-je :

Pour une fois, il risque d’y avoir un alignement des planètes en France pour cette évolution :

  • Les enseignants français sont traditionnellement plus enclins à s’être formés en sciences de l’éducation qu’en thérapie manuelle.
  • La sélection des étudiants kinés via une filière médicale induit des praticiens plus enclins à l’intellectualisation qu’à l’exécution de manoeuvres.
  • Ne pas toucher un patient devient désormais une option thérapeutique reconnue (hands-off).
  • L’évolution des moeurs dans nos sociétés conduit les jeunes adultes à être beaucoup plus prudes et distants du corps que leurs aînés. Remarque sans rapport avec le sujet ?

Références bibliographiques 

usa[1] Kolb WH, McDevitt AW, Young J, Shamus E The evolution of manual therapy education: what are we waiting for? J Man Manip Ther. 2020 Feb;28(1):1-3. doi: 10.1080/10669817.2020.1703315.

Articles en rapport avec le sujet

[2] Bialosky JE, Beneciuk JM, Bishop MD, et al. Unraveling the mechanisms of manual therapy: modeling an approach. J Orthop Sports Phys Ther. 2018;48(1):8–18.

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