
Le traitement de ce défaut d’amplitude reste toujours un point fort de nos possibilités pour améliorer la douleur des entorses de cheville, pour améliorer la marche, l’équilibre des séniors, faciliter les stratégies de cheville, lutter contre la régression psychomotrice des sédentaires..et évidemment améliorer les amplitudes passives.
Cela reste un domaine où peu de séances sont nécessaires, avec des gains quasi immédiats [Hernández-Guillén 2020, 2021], comme l’avait observé vingt ans plus tôt une étude de Physical Therapy [Green 2001] éclairant les discours ostéopathiques sur la « remise en place de l’astragale dans l’entorse de cheville ».
Une revue systématique de revues systématiques enfonce le clou [Gaddi 2022]
- Bleakley et al. ont inclus 23 études, concernant 3 027 patients, pour analyser si la combinaison de stratégies conservatrices en plus d’exercices supervisés avec un support externe pouvait augmenter les résultats fonctionnels après une entorse aiguë de la cheville. Le résultat le plus important est qu’indépendamment de la forme pharmaceutique, les AINS diminuent efficacement la douleur et le gonflement lors du suivi à court terme. De plus, la thérapie manuelle semble améliorer l’amplitude des mouvements de la cheville si elle est appliquée dans les premières phases d’une entorse aiguë de la cheville ; enfin, l’entraînement neuromusculaire supervisé semble diminuer le taux de rechute.
- Brantingham et al. ont inclus 19 études, impliquant 2 363 patients, pour examiner l’état de l’art soutenant la thérapie manipulative du membre inférieur. Selon ces auteurs, la thérapie manipulative et les exercices supervisés sont efficaces pour le traitement à court terme de l’entorse aiguë de la cheville.
- Loudon et al. ont inclus 8 études, impliquant 244 patients pour déterminer l’efficacité de la thérapie manipulative dans les cas d’entorses latérales de la cheville. Selon ces auteurs, la thérapie manuelle semble améliorer l’amplitude des mouvements de la cheville et diminuer la douleur.
- Terada et al. ont inclus 9 études, portant sur 196 patients, pour estimer l’efficacité des traitements visant à restaurer la dorsiflexion après une entorse aiguë, récurrente et chronique de la cheville. Selon ces auteurs, les étirements statiques du triceps inclus dans un programme de rééducation standardisé peuvent améliorer la dorsiflexion de la cheville après une entorse aiguë.
- van der Wees et al. ont inclus 17 études impliquant 2 376 patients pour analyser les résultats des exercices supervisés et de la thérapie manipulative chez les patients souffrant d’une entorse ou d’une instabilité aiguë de la cheville. Le résultat le plus important est que la thérapie par l’exercice aide à prévenir les entorses récurrentes de la cheville. De plus, la mobilisation manuelle semble avoir un effet positif sur la restauration de l’amplitude des mouvements de la cheville.
Généralités
La stratégie de cheville
La flexion passive de cheville est l’un des trois secteurs angulaires indispensables à la station debout statique en sécurité, avec l’extension de hanche et de genou. Elle permet à l’individu d’adopter la stratégie de cheville, en oscillant autour de ses talo-crurales, pendu à ses soléaires.
La sédentarité
La sédentarité, la sénescence, le décubitus prolongé sont des facteurs favorisants du défaut de flexion talo-crurale. L’articulation talo-crurale, le soleus, la plante des pieds, la talo-naviculaire sont des zones très riches en récepteurs proprioceptifs, indispensables à la station debout.
Observations & signes cliniques
Présence d’une douleur à la flexion de cheville en charge
La remise en charge d’un patient après traitement orthopédique entraîne fréquemment une douleur au cou de pied. Le pincement de la partie antérieure de la capsule peut en être responsable lorsqu’elle contient trop de liquide synovial. Les tendons antérieurs envoient des expansions à la capsule talo-crurale ; à chaque extension des orteils, ces expansions tractent en avant la capsule. Demander à un patient qui se plaint d’une douleur au cou de pied lors de la marche de relever ses orteils.
Boiteries liées à la cheville
Voir le chapitre abord préliminaire de la cheville et du pied.
Observation de la flexion talo-crurale
Observations de la tension des gastrocnémiens et de la flexion talo-crurale
Procédure
Patient en décubitus, kinésithérapeute à ses pieds. Amener les deux pieds en flexion. Rechercher la qualité de la limitation terminale ; elle doit être souple en cas de limitation musculaire, plus dure en cas de butée articulaire.
Des sujets souples peuvent ne pas avoir de limitations musculaires même en extension du genou. Dans le cas contraire, refaire la manœuvre avec un coussin circulaire sous les genoux du patient pour détendre les gastrocnémiens. Apprécier les éventuelles différences entre les deux positions. Un défaut unilatéral de flexion indique une limitation articulaire du glissement antéro-postérieur du talus sous le tibia.
Appréciation du glissement talien lors de la flexion
Procédure
Patient en décubitus, kinésithérapeute à ses pieds, mobiliser passivement les chevilles en flexion dorsale par un appui de l’abdomen du kinésithérapeute. Palper à l’aide des pouces les cols des talus. Il est normal de ressentir un glissement postérieur lors de la flexion. Juger en comparatif.
Mesures
Les mesures les plus intéressantes cliniquement sont celles réalisées le pied en charge.
Inclinométrique de la flexion / extension en décharge
Voir en supra les mesures dédiées à l’extension talo-crurale.
Goniométrie globale de la flexion / extension en décharge
Objectifs
Dans cette mesure, il n’est pas possible d’évaluer l’angle droit ; il s’agit donc de la mesure du débattement global de flexion-extension. Elle permet de différentier les souplesses de l’avant et de l’arrière-pied.
Procédure
Il faut préalablement réaliser un repérage des structures remarquables médiales, moins mobiles que les latérales. Repérer :
- La malléole médiale,
- Le tubercule du naviculaire pour la mesure talo-crurale,
- La tête de M1 pour la mesure du pied.
Mesurer l’angle formé par la diaphyse tibiale et ces deux repères, en flexion et extension, la malléole médiale matérialisant l’axe du mouvement.
Inclinométrie de la flexion en charge
Procédure
Le patient est debout, faisant face à un tabouret plat de 30 à 45 cm de haut. Le pied homolatéral à la cheville à mesurer est posé sur le tabouret. L’inclinomètre, de marque Isomed ®, dispose d’une tige déployable. Elle est placée dans l’alignement du tibia. La position 0 correspond à la verticale du tibia. Le patient est invité à fléchir la cheville testée sans décoller le talon jusqu’à ce qu’une forte sensation d’étirement du mollet ou de compression antérieure de la cheville limite le mouvement. La mesure est réalisée dans cette position.
Valeurs
Chez des sujets jeunes et sains, l’amplitude est de l’ordre de 48° ± 6°. Un changement observé supérieur à 3,8° par rapport aux valeurs initiales indiquerait probablement un véritable changement dans les amplitudes de flexion dorsale de cheville [3].
Fiabilité
La fiabilité inter-examinateurs est très bonne [3].
Mesure à l’aide d’un smartphone
Dans la même position, un smarthphone posé sur la crête tibiale.
Validité et fiabilité
Selon Keogh analysant les écrits de Vohralik.
Validité | Fiabilité intra-opérateur | Erreur standard de mesure | Fiabilité inter-opérateurs |
r2 = 0.99 | ICC = 0.97 | 1.4° | ICC = 0.76 |
Sur des sujets jeunes & sains, à l’aide d’un iPhone (apps iHandy Level), comparé avec un inclinomètre digital & un dispositif Fastrak 3D motion capture.
Mesure centimétrique de la flexion en charge
Procédure
Le sujet est debout, face à un mur. Le grand axe du pied à mesurer est perpendiculaire au mur. Un mètre-ruban est fixé au sol, le 0 partant du mur. L’autre pied est placé d’une longueur de pied en arrière. Le sujet est invité à contacter le mur du tibia et à reculer progressivement le pied en maintenant le talon au sol. La distance entre l’hallux et le mur est notée [17, 12].
Valeurs
Les valeurs moyennes sont de l’ordre de 12 ± 2,8 cm. Il n’y a pas de corrélations entre ces valeurs et l’âge, le sexe, le poids, la longueur du membre inférieur, la pointure. Il existe une majorité de sujets sains présentant une différence inférieure ou égale à 1,5 cm entre le côté gauche et le côté droit. Ces valeurs se situent dans l’écart-type, mais certains sujets peuvent avoir jusqu’à 3 cm de différence. Elles ne sont pas dûes aux incertitudes de mesures mais bien à des différences intrinsèques. Seules des différences égales ou supérieures à 2 cm doivent donc être prises en considération [22].
Fiabilité
La fiabilité inter-examinateurs est très bonne chez des sujets sains [6].
Validité
Les mesures sont comparables avec celles obtenues à l’aide d’un dispositif vidéo d’analyse quantifiée du mouvement.
Conversion en degrés
Mesurer des angles à l’aide d’un centimètre peut s’avérer peu pratique ; une mesure trigonométrique indique que le recul d’un centimètre correspond à 3,6° de dorsi-flexion, soit des valeurs totales de l’ordre de 30° ± 3° chez le sujet sain [1, 19].
Mesure de l’extensibilité des gastrocnémiens en charge
Procédure
Le sujet debout, mains au mur, se place en fente antérieure, le pied à mesurer en postérieur, le talon reculé le plus possible, genou en extension.
Le kinésithérapeute mesure l’angulation entre le grand axe diaphysaire tibial et la verticale à l’aide d’un inclinomètre préalablement cliqué sur 0, en veillant à ce que le talon ne décolle pas et que l’inclinomètre soit placé distalement à la tubérosité tibiale antérieure.
Valeurs
Les valeurs obtenues sont en moyenne de 38° ± 4° chez des sujets jeunes et sains des deux sexes.
Fiabilité
La fiabilité inter-examinateurs est très bonne, que ce soit avec l’inclinomètre ou le goniomètre translucide [15].
Variante
Dans la même position du sujet, il est possible d’utiliser un goniomètre translucide, dont une branche est alignée sur une ligne imaginaire entre un repère cutané sur la tête de la fibula et un autre sur la malléole latérale, l’autre branche étant au sol.
Mesure du glissement postérieur du talus (Posterior Talal Glide Test)
Procédure
Le patient est assis en bord de table, pied dans le vide. Le kinésithérapeute est agenouillé face à lui, empaumant les faces latérale et médiale du pied, les pulpes des pouces en contact avec le col du talus. Le pied est placé parallèlement au sol.
Il est repoussé en dorsal en gardant la plante parallèle avec le sol, jusqu’à sensation d’une ferme terminaison du mouvement.
Un inclinomètre placé sur la crête tibiale par un 2° examinateur permet de quantifier en degrés le glissement postérieur du talus.
Fiabilité
La fiabilité est très bonne en intra-examinateur, sur des patients de 20 ans ayant eu au moins deux entorses de cheville récente avec une asymétrie d’au moins 2 cm à la mesure centimétrique de flexion de cheville en charge [22].
Mobilisations passives
Utilité
Une mobilisation passive en flexion de cheville doit être entreprise précocément chez les patients souffrant d’entorse latérale. Cela permet une amélioration significative des amplitudes et du seuil de pression à la douleur consécutives au traitement [23]. Dès la première séance le résultat est significatif, ce qui justifie les pratiques empiriques de « repositionnement de l’astragale antérieure » [10].
D’une manière générale, l’ajout de thérapie manuelle aux exercices actifs permet sur un mois une amélioration cliniquement significative sur la douleur et les activités des patients souffrant d’entorse de cheville, statistiquement significative sur 6 mois, comparativement à une prise en charge uniquement basée sur ces mêmes exercices actifs [4].
Mobilisation passive en flexion
Mobiliser la surface convexe du talus sous la surface concave du tibia doit classiquement se réaliser à l’aide d’un glissement dans le sens contraire du mouvement.