Selon la revue systématique et méta-analyse de Sokal, la précision diagnostique des tests cliniques des lésions du ligament croisé antérieur est brouillée par la présence fréquente d’autres lésions anatomiques, méniscales notamment. Lorsque ce fait est pris en compte, le pivot shift test et le signe du levier (Lelli’s test) seraient plus précis que le Lachman pour diagnostiquer ou exclure une déchirure du ligament croisé antérieur, respectivement.
La précision diagnostique du test de Lachman, en particulier dans les présentations post-aiguës et pour les déchirures complètes, serait plus faible que ce qui a été rapporté précédemment.
Vous noterez, sur le tableau des spécificités et sensibilités glanées depuis des années de veille bibliographiques sur KINotes que de toute façon, le résultat n’est pas tout blanc ou tout noir et que quelque soit la précision du test, il est préférable de le coupler avec une autre évaluation.
Précision diagnostique des tests du LCA
Interprétation de la validité diagnostique des tests
L’instabilité du genou en clinique
Les patients n’ayant « pas confiance» en leur genou évoquent habituellement une sensation d’instabilité. D’autres patients feront état de la survenue d’une entorse, récente ou ancienne, à la suite d’une mise en compression brusque lors d’une réception hasardeuse, essentiellement en valgus [40], favorisée par une plus grande laxité chez les sportives.
A distance du traumatisme et après éventuelle consolidation, le kinésithérapeute doit pouvoir se prononcer sur des plaintes récurrentes. C’est l’objectif de ce chapitre.
Table des matières
Observations & signes cliniques
- Test de Lachman en décubitus
- Test de Lachman en procubitus
- Test du levier (Lelli’s test)
- Test du cisaillement du genou (Pivot-Shift-test)
- Observation de l’intégrité du ligament croisé postérieur
- Test du tiroir antérieur
- Recherche d’une latéralité en valgus-varus
- Recherche d’une hypoplasie de la joue latérale de la trochlée fémorale
Mesures
- Objectivation clinique de la laxité du genou lors du saut
- Le Dynamic Knee Valgus Index
- Le test du saut (Hop-Test)
- Le Tuck jump test
- Le Just Jump System
Observations & signes cliniques
Test de Lachman en décubitus
Objectifs
Il sert à objectiver la laxité du ligament croisé antérieur (LCA).
Procédure
Le patient est en décubitus, le genou reposant sur le genou du praticien, à 30° de flexion. L’extrémité supérieure du tibia est empaumée, l’extrémité inférieure du fémur fixée. Le kinésithérapeute réalise un glissement antéro-postérieur du tibia sous le fémur. Un mouvement antérieur anormal du tibia avec un arrêt souple comparativement au côté opposé indique une atteinte du ligament croisé antérieur. Le relief du tendon patellaire peut disparaître lors de la manœuvre.
Le test clinique reste largement en deçà de la zone critique pouvant imposer au ligament croisé antérieur une déformation irréversible [16, 36].
Valeur
Elle est quantitative (le test est positif ou ne l’est pas). Une gradation peut être proposée : de l’importance du déplacement antérieur comparativement au côté sain ou présumé tel dépend la gravité de l’atteinte ligamentaire.
Ainsi, un déplacement de 1 à 2 mm est normal, de 3 à 5 est proche de la normale, de 6 à 10 mm est anormal, plus de 10 mm de déplacement antérieur étant franchement anormal [23].
Fiabilité
La fiabilité inter-examinateurs (kinésithérapeutes) est faible (kappa = 0,19-0,42) [7].
Validité
Comparaison avec | Se | Sp | RV+ | RV- | Références bibliographiques |
arthroscopie | 0,69 | 0,55 | 1,53 | 0,56 | Cooperman 1990 |
arthroscopie | 0,85 | 0,94 | 14,17 | 0,16 | Bejaminse 2006 |
arthroscopie ou IRM | 0,84 | 1 | 0,16 | Décary 2017 (Solomon 2001) | |
arthroscopie ou IRM, radiographie, diagnostic clinique | 0,87 | 0,93 | 12,43 | 0,14 | Décary 2017 (Jackson 2003) |
arthroscopie ou IRM | 0,86 | 0,91 | 9,56 | 0,15 | Décary 2017 (Scholten 2003) |
arthroscopie ou IRM | 0,81 | 0,81 | 4,26 | 0,23 | Décary 2017 (van Eck 2013) |
Savoir à quoi correspondent ces chiffres
Test de Lachman en procubitus
Comme pour le test de Lachman traditionnel, le genou sain est évalué en premier, pour établir une base de référence par laquelle le genou controlatéral peut être comparé.
Procédure
Le patient est couché en procubitus, sur une table d’examen ferme. Un coussin ou petit rouleau de serviette placé sous l’extrémité distale de la cuisse permet d’augmenter encore la fermeté de la surface. Debout, homolatéral au genou atteint, le kinésithérapeute place la main distale sur le tibia en partie proximale antérieure, index et médius de part et d’autre du tendon patellaire, pulpes en contact avec l’interligne articulaire antérieur.
La cuisse du kinésithérapeute est glissée sous le tibia, plus ou moins distalement pour placer le genou à 30° de flexion.
La main proximale est placée sur l’extrémité postéro-supérieure du tibia, les doigts reposant sur le gastrocnémien médial. Elle réalise un appui dorso-ventral sur le tibia. Les doigts de la main distale palpent l’importance de la translation tibiale antérieure induite par rapport au fémur.
Valeurs
L’examinateur juge le test comme positif ou négatif en fonction de la fermeté du mouvement terminal ou d’une translation tibiale antérieure majorée par rapport au genou sain. Un test positif est l’absence d’une sensation ferme de fin de mouvement ou la perception de plus de 3 mm de translation antérieure du côté lésé par rapport au côté sain.
Fiabilité
En examinant des patients 21 jours à 1 an après traumatisme, la fiabilité inter-examinateurs apparaît bonne à très bonne, avec un kappa à 0,81. Une revue systématique [21] ne garde que ces tests pour évaluer la laxité du croisé antérieur. Le test de Lachman est le test présentant la fiabilité intra-opérateurs la plus élevée (k = 1,00), le test de Lachman effectué en décubitus ventral le test avec la fiabilité la plus élevée en inter-opérateurs (k = 0,81). Il ne doit cependant pas être utilisé isolément pour mettre en évidence une atteinte ligamentaire [27].
Test du levier (Lelli’s test)
D’invention récente [22], il s’explique aisément par la biomécanique, mais nécessite que le patient soit le plus passif et détendu possible.
Procédure
Le patient est en décubitus. S’il s’agit de tester le croisé antérieur gauche, le praticien place son poing gauche à l’union du tiers postérieur et du tiers moyen du mollet. Le genou se place en flexion, le talon est posé sur la table. La main proximale réalise un appui ventro-dorsal sur le tiers inférieur de la face antérieur du fémur. Avec un croisé antérieur intact, cette pression postériorise le condyle latéral, ce qui tracte l’insertion d’origine du LCA et étend passivement le genou, le pied se décollant de la table. Lorsque le LCA est rompu, le pied reste sur la table.
Validité
Ce test apparaît plus sensible que le test de Lachman, sur des ruptures chroniques [9].
Test du cisaillement du genou (Pivot-Shift-test)
Objectifs
Il est destiné à mettre en évidence une rupture du LCA, un genou instable.
Procédure
Le patient est en décubitus, la hanche fléchie à 30°, le kinésithérapeute est homolatéral au genou à tester, soutenant à deux mains la jambe du patient. Le membre inférieur est maintenu à 20° de rotation médiale, le genou en extension passive complète. Un valgus est induit par la main proximale lorsque la main distale fléchit passivement le genou.
Valeur
La brusque réduction de l’antériorité du plateau tibial latéral provoquée par le tractus ilio-tibial indique un Pivot Shift Test positif [3].
Validité
Comparaison avec | Se | Sp | RV+ | RV- | Références bibliographiques |
arthroscopie, arthrotomie ou IRM | 0,24 | 0,98 | 12,00 | 0,78 | Benjaminse 2006 |
arthroscopie ou IRM, radiographie, diagnostic clinique | 0,61 | 0,97 | 20,33 | 0,40 | Décary 2017 (Jackson 2003) |
arthroscopie ou IRM | 0,28 | 0,81 | 1,47 | 0,89 | Décary 2017 (van Eck 2013) |
Observation de l’intégrité du ligament croisé postérieur
Le ligament croisé postérieur n’est pas fréquemment déficient et heureusement : sa lésion est catastrophique pour la stabilité du genou et le patient se rappelle de sa survenue traumatique.
Procédure
La comparaison des deux genoux du patient, jambes en crochet montre un effacement de la tubérosité tibiale du côté lésé, comparativement au côté sain, témoignage du glissement postérieur du tibia sous le fémur, en l’absence de la contention ligamentaire. Le poids de la jambe ou mieux la contraction des fléchisseurs déplacent le tibia vers l’arrière. Le mouvement passif de tiroir antérieur exécuté par l’examinateur, ne fait que ramener celui-ci à sa place normale (signe de Godfrey).
Validité
Comparaison avec | Se | Sp | RV+ | RV- | Références bibliographiques |
IRM | 0,90 | 0,99 | 90,00 | 0,10 | Cleland 2012 (Rubinstein 1994) |