Docteurs du mouvement par choix ou prestataires d’activités physiques par défaut ?


A la lecture de son dernier éditorial, c’est à croire que Shirley Sahrmann suit de près l’actualité professionnelle de la kinésithérapie française 😀

Elle énonce que, dans des sociétés où les troubles se chronicisent par la sédentarité, le kinésithérapeute devrait être considéré comme le professionnel de la santé possédant l’expertise la plus complète en matière d’activité physique. Il doit être capable d’optimiser les composantes du mouvement, qu’elles soient musculo-squelettiques, neuro-musculaires, cardio-vasculaire, pulmonaire ou métaboliques.

Pourquoi n’est-ce pas le cas ?

Actuellement, le physiothérapeute (américain) est reconnu pour son expertise dans le traitement du patient souffrant d’un trouble neurologique ou post-chirurgical, mais la profession n’a pas démontré son rôle dans l’activité physique chez les personnes sans troubles médicaux ni douleurs sous-jacentes. 

Shirley Sahrmann prêche apparemment pour l’adoption large de son concept, seul moyen pour elle de faire face à l’offre excédentaire de 25 000 physiothérapeutes en 2030 (aux USA), aux actions visant à réduire le remboursement (aux USA), augmenter la productivité (aux USA). 

L’accès au titre de docteur en physiothérapie (aux USA) n’a pas donné lieu à une reconnaissance à la hauteur du titre, ni de l’expertise implicite en matière de mouvement ou d’exercice, ni à une augmentation substantielle du nombre de patients/clients en accès direct. 

Elle laisse entendre que la variabilité injustifiée des pratiques joue en défaveur d’une reconnaissance du métier, donc en défaveur de sa croissance. 

Ce qui a été fait, ce qu’il faudrait faire, selon elle

En 1979, l’APTA exigeait que le diplôme professionnel d’entrée soit supérieur au niveau du baccalauréat. Finalement, en 2018, 39 ans plus tard, le doctorat clinique est devenu le diplôme d’études requis.

Dans de nombreux documents de l’APTA, les kinésithérapeutes sont considérés comme des médecins, des diagnosticiens, des experts du mouvement, permettant l’accès direct et utilisant une pratique fondée sur des preuves. 

Mais ces rôles sont peu reconnus car les compétences associées n’ont pas été définies.

Par exemple, bien que la plupart des physiothérapeutes soient docteurs, ils restent encore relativement sous tutelle, alors que les médecins sont reconnus pour leur expertise dans un système corporel et pour leur capacité à poser un diagnostic sur les conditions affectant ce système. 

Bien que de nombreux documents de l’APTA stipulent que les kinésithérapeutes sont des diagnosticiens, aucun document ne donne d’exemples de diagnostics posés par les kinésithérapeutes. 

Sans expertise démontrée dans un système corporel, sans capacité de diagnostic ou sans rôle de praticien autonome, la mise en œuvre de l’accès direct est limitée. 

Actuellement, l’expertise est basée sur la fourniture d’un traitement pour une condition qu’un autre praticien de la santé diagnostique. 

L’énoncé de la vision de 2013 selon laquelle la physiothérapie « transformera la société en optimisant le mouvement pour améliorer l’expérience humaine « exige la reconnaissance de l’expertise du mouvement. 

La profession n’a pas défini officiellement ce qui constitue l’expertise du mouvement, ni comment elle peut optimiser le mouvement, ni même ce que l’on entend par optimiser le mouvement.

Passer de l’APTA à l’AKTA ?

Le premier principe directeur est que le système de mouvement représente l’identité de la physiothérapie.

L’importance de cette identité est reflétée dans la déclaration qui l’accompagne :

 » La physiothérapie définira et promouvra le système de mouvement comme le fondement de l’optimisation du mouvement. La reconnaissance et la validation du système de mouvement sont essentielles pour comprendre pleinement la fonction physiologique et le potentiel du corps humain. »

Selon Me Sahrmann, notre expertise professionnelle devrait inclure la compréhension de la façon dont :

  1. Le mouvement cause ou exacerbe les problèmes, notamment musculo-squelettiques, 
  2. Le mouvement devient dysfonctionnel, 
  3. Le résultat compromet la santé, et/ou la qualité de vie, 
  4. Le mouvement sous forme d’activité ou d’exercice est une prévention ou un modérateur puissant de la maladie. 

La profession doit préciser que les thérapeutes ont non seulement une expertise dans la dose et le type d’exercice pendant la réadaptation, mais aussi dans la prévention et la réduction des blessures résultant de l’exercice et de l’activité chez les personnes sans problème identifié.

La reconnaissance et la mise en œuvre du rôle de la profession dans les soins de santé devraient être obtenues de la même manière que les autres professions de santé ont obtenu une reconnaissance en démontrant leur expertise dans un système corporel et en utilisant des étiquettes reconnues pour les diagnostics potentiels ou réels. Ainsi, les médecins sont consultés pour un diagnostic ou un problème potentiel, qu’ils transmettent au patient et aux autres professionnels de la santé, ce diagnostic servant de guide du traitement. 

La question est de savoir si la profession peut prendre 39 ans pour mettre en œuvre les actions nécessaires à la reconnaissance de la formation et de la pratique au niveau du doctorat.

Commentaires. Acerbes ou pas

Si vous ne savez pas qui est Shirley Sahrmann, finissez de lire son éditorial. Sinon, vous trouverez d’anciennes KINotes sur le sujet, à propos :

De l’analyse de la posture cervicale
Des diagnostics & classifications des lombalgies
De la mobilité globale lombaire

 

Perso, je me retrouve complètement dans son examen du sujet, comme je me retrouvais bien dans le bouquin de Testing de Kendall, même si la proposition de traitement à partir de modifications du contrôle moteur me laisse sur ma faim. 

A l’évidence, elle prêche pour sa paroisse, qui ne correspond pas, mais alors pas du tout, avec la hands-off therapy ni avec l’idée que la posture n’est jamais le témoignage des souffrances des patients. 

Si vous n’avez pas encore changé pour une plaque de physiothérapeute, attendez un peu. Le jour ou l’APTA (American Physical Therapy Association) se sera renommée AKTA (American Kinesi Therapy Association) vous pourrez toujours dire que vous êtes en avance d’une révolution 😀 . Bon, j’arrête de retourner le couteau dans le soldat.

Si vous attendez d’être docteur en physiothérapie pour bien faire votre travail, prévoyez une bonne trentaine d’années après les dix prochaines années d’accession au titre. Ou alors, faites juste bien votre travail tout de suite, juste pour que vos patients fasse du bouche à oreille sur l’excellent kiné pasteurisé que vous êtes déjà. Certains mêmes vous appelleront déjà docteur. 


Références bibliographiques 

Shirley Sahrmann. Doctors of the Movement System – Identity by Choice or Therapists Providing Treatment – Identity by Default. Int J Sports Phys Ther. 2022 Jan 1;17(1):1-6. doi: 10.26603/001c.30175. eCollection 2022.

Article en accès libre en cliquant sur le lien du titre 

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