Un récent document de l’AAOMPT (Academy of Orthopedic Manual Physical Therapist) recommande vivement aux kinésithérapeutes de ne plus utiliser le terme de « discopathie dégénérative », en grande partie parce qu’il semble être une constatation courante liée à l’âge. Pour les deux auteurs de cette mise au point, c’est un peu trop simpliste comme raisonnement.
Ils évoquent :
- L’historique de l’instabilité discogène,
- Le rôle du disque comme générateur de douleur,
- Les données des sciences fondamentales portant sur une évolution combinant biomécanique et physiologie de la dégénérescence et de l’instabilité discogène qui en résulte,
- L’influence de la rotation sur le segment dégénératif,
- Les implications de ces facteurs en thérapie manuelle.
Ils proposent une approche de traitement basée sur des preuves pour les patients souffrant simultanément de lombalgie et de dégénérescence discale.
Vous pourrez lire en infra ce que j’en ai retenu. Je trouve que cela va bien avec les dernières notes qui m’ont valu des volées de bois vert de la part de praticiens mécontents de ce qui paraît aujourd’hui sur leur coeur de métier, parce que cela ne correspond pas avec ce qu’ils imaginaient. Je parle bien sûr des MDT comme des manipulateurs fous…
Nous faisons un métier complexe qui ne se résume pas à des prières répétitives en relevant la tête ni en des craquements de vertèbres ; ceci dit les auteurs prêchent quand même pour leur paroisse (la réanimation vertébrale en procubitus par appui sur les épineuses 😀 )
Historique
L’instabilité secondaire à la dégénérescence discale est un vieux concept. Des écrits du début du XX° siècle considéraient que l’instabilité des vertèbres lombaires était une cause importante de lombalgies sévères.
A l’aide de radiographies dynamiques en inclinaison latérale, flexion et d’extension, la présence d’une instabilité segmentaire lombaire a été observée depuis longtemps (Knutsson 1944). Knutsson a noté, bien avant le développement de l’IRM, qu’elle pouvait intervenir avant le développement de changements ostéo-arthritiques avancés et le rétrécissement important de l’espace discal.
D’autres auteurs, entre 1948 et 1954, ont tous constaté une instabilité segmentaire secondaire à la dégénérescence discale (DD), confirmée par de nombreux spécimens vertébraux prélevés à l’autopsie. Il était systématiquement constaté que l’instabilité était associée à des fentes et des déchirures annulaires, y compris des déchirures transversales ou radiales de l’anneau fibreux.
En 1977, Ian Macnab a défini la dégénérescence discale comme la « rupture de l’intégrité mécanique du disque ». Macnab a considéré qu’à la suite d’une dégénérescence discale, le mouvement segmentaire de la colonne vertébrale devient irrégulier et excessif, avec pour conséquence une « perte d’intégrité structurelle » du segment de mouvement de la colonne vertébrale.
En conséquence, il a avancé que tout segment de la colonne vertébrale présentant une dégénérescence discale « devient vulnérable aux traumatismes » et autres formes de contrainte.
Kirkaldy-Willis (1982, 1978) a proposé ce qui est le modèle physiopathologique à trois phases généralement accepté de la DD. Communément décrit comme une « cascade » de changements dégénératifs, le modèle se compose de trois étapes séquentielles :
- Le dysfonctionnement,
- L’instabilité
- La stabilisation.
Macnab, Kirkaldy-Willis et les autres premiers chercheurs ont-ils eu raison d’affirmer que la dégénérescence discale, y compris la dégénérescence discale précoce, entraîne une instabilité segmentaire et la possibilité de douleurs rachidiennes chroniques et récurrentes ?
Pfirrmann (2001), grâce à l’apport de l’IRM, a soutenu les travaux sur le sujet de ces premiers auteurs.
Lire la suite : La dégénérescence discale. Douleurs et instabilités liées au disque
Référence bibliographique
Brian T Swanson, Douglas Creighton. The degenerative lumbar disc: not a disease, but still an important consideration for OMPT practice: a review of the history and science of discogenic instability. J Man Manip Ther. 2020 Sep;28(4):191-200. doi: 10.1080/10669817.2020.1758520.
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