Un patient informé est un patient mieux soigné. Malheureusement, le temps imparti par la séance ne permet pas toujours de vous informer le plus précisément possible sur le motif de votre visite. Des données importantes sont passées sous silence, des points particuliers sont traités auprès de certains patients, pas d’autres.
Le texte sous-jacent est destiné à combler ces lacunes, qui influencent peu ou prou le résultat de vos séances de kinésithérapie. Il recoupe les principales questions habituellement posées par certains d’entre vous et les réponses que je tente de faire, habituellement. N’hésitez pas à me poser d’autres questions sur le sujet, si les suivantes ne répondent pas à vos interrogations.
Bien évidemment, ce texte n’est destiné qu’aux patients qui sont venus me voir. Les autres sont priés de passer leur chemin, vu que ça ne s’applique pas du tout à eux. Ils seraient capables d’utiliser mes écrits pour soigner une tumeur du coude, une fracture, un herpès ou tout autre souffrance qui n’aurait pas été vue par un médecin. Les voilà prévenus !
C’est quoi une épicondylite ?
La partie latérale du coude s’appelle l’épicondyle. Plus précisément l’épicondyle latéral. Le suffixe -ite indique que cette région présente une inflammation pouvant expliquer vos douleurs.

C’est vrai ? Il y a une inflammation ?
Non. Il n’y a pas normalement d’inflammation sur le long-terme dans une épicondylite. Mais le traitement médicamenteux habituel est basé sur les anti-inflammatoires. Du coup, comme pour d’autres régions hypersensibles de votre appareil musculo-squelettique traitées par anti-inflammatoires, qu’ils soient à base de cortisone ou non (anti-inflammatoires non-stéroïdiens – AINS), comme ces médicaments sont sensés vous guérir, l’inflammation est considérée comme une maladie.
L’inflammation n’est pas une maladie ?

L’inflammation en réponse à un traumatisme est une réaction normale de réparation des tissus lésés par ce traumatisme.
Après écrasement par un marteau, votre doigt gonfle parce que le cerveau y envoie suffisamment de substances destinées à nettoyer puis réparer le doigt. Le gonflement des tissus qu’entraine cette accumulation de substances thérapeutiques crée des tensions cutanées qui peuvent être diminuées par l’ingestion d’anti-inflammatoires. C’est plus confortable. Mais le temps inflammatoire est, dans le cas de votre doigt abimé, nécessaire. C’est un phénomène d’auto-guérison, parfaitement nécessaire.
Dans le cadre de l’épicondylite, l’inflammation, elle est où ????
Du coup, il est préférable de parler d’épicondylalgie.
C’est quoi une épicondylalgie ?
Le suffixe -algie signifie douleur… Vous allez voir votre médecin parce que vous avez mal au coude et il vous diagnostique une épicondylalgie, soit autrement dit et avec ses mots, que vous avez mal au coude 🙂 .Vous n’êtes guère plus avancé.
Épicondylalgie ou épicondylite, comme vous voulez, mais pourquoi moi j’ai mal au coude ?
C’est le fond du problème. Vous avez mal au coude parce votre cerveau s’inquiète de la fragilité de votre coude. Comme il ne sait pas pour quelle raison vous avez mal au coude, il adopte un principe de précaution maximal et se dit «il est préférable ne de pas utiliser cette articulation, potentiellement fragile».
Or, la seule façon connue pour lui de la mettre au repos est de vous faire mal. CQFD…
Ce n’est pas complètement idiot… Imaginez que vous ayez une fracture du coude ? Une rupture musculaire ? Ça ne serait pas vraiment malin de continuer à travailler avec. D’ailleurs, c’est ce qui se passe lors de la cassure d’un os, ici comme ailleurs : sur le coup ça fait mal et puis après, dès que la radiographie a montré la cassure et que le segment traumatisé est bien maintenu dans une attelle ou un plâtre, vous n’avez quasiment plus de douleur.
Le cerveau sait ce qu’il s’est passé. Il ne vous fera mal à nouveau que si vous décidez de bouger sans l’attelle ou de marcher sur les mains avec le plâtre, parce que vous n’êtes pas raisonnable et que vous n’attendez pas que votre coude se répare.
Dans une épicondylalgie, il y a souvent un traumatisme inaugural, un facteur déclenchant, peut être que vous n’avez pas identifié, mais votre cerveau n’a pas de réponse satisfaisante quant à la fragilité ou la solidité du coude. Du coup, « on » ne sait jamais, alors bobo.
Les avis diffèrent
Mon médecin m’a dit que c’est musculaire

Le point de départ est souvent musculaire en effet. Un effort inhabituel ou répété des muscles relevant le poignet, comme pour soulever un marteau trop lourd et planter des clous toute une après-midi, travailler son revers en tapant dans une balle de tennis pendant des heures (d’où le nom de tennis-elbow donné par les anglais à cette affection), serrer en tournant contre forte-résistance,…
- Photo de Victor Freitas sur Pexels.com
… induisent des sollicitations importantes dans les corps charnus des muscles releveurs du poignet, dont les corps musculaires (la partie rouge, charnue, contractile) se situe au coude, là où vous avez mal. Ils se prolongent à la base de la main par de longs tendons qui eux sont rarement douloureux.

Comme à chaque fois que vous vous servez d’un muscle de façon inhabituelle, une sensibilité exacerbée est souvent présente.

Ce peut être au moment même ou une charge trop lourde leur est imposée (votre cerveau a peur que vous fassiez n’importe quoi avec son coude) ou souvent le lendemain, les charges inhabituelles et répétées ayant entrainé des micro-traumatismes nécessitant une réparation tissulaire. Du coup, là, vous avez une vraie inflammation, salvatrice, nécessaire, mais qui ne dure pas dans le temps. Un peu comme quand vous avez mal aux mollets le lendemain d’une marche en montagne.
Ce qui pose problème, c’est la persistance de cette hypersensibilité
Ça, ce n’est pas normal.
Ce n’est pas normal parce qu’un muscle est une structure qui se répare très facilement : tous les ingrédients nécessaires à sa réparation arrivent par le sang, et le corps charnu d’un muscle est très bien vascularisé. Même un pauvre muscle coupé (ce qui n’est jamais le cas dans une épicondylalgie) et recousu par votre grand’mère avec du fil à repriser les chaussettes n’a plus aucune raison d’être sensible allez un mois et demi après avoir été recousu. Et je compte large.
Il y a une autre explication au fait que vous ne pouvez pas serrer un objet ou servir un verre de vin.

Mon rebouteux m’a dit que c’était un nerf déplacé
On a longtemps cru ça, en confondant les tendons, souvent visibles sous la peau et qui bougent en fonction des mouvements, avec les nerfs, qui peuvent avoir la même consistance et qui se déplacent aussi pour éviter d’être mis en étirement ou compression. Mais les nerfs sont franchement plus fragiles que les tendons et ils sont donc systématiquement beaucoup plus profonds pour être protégés des traumatismes.
Il n’y a pas, dans une épicondylalgie, de nerfs grippés, déplacés, sorti de leur logement, adhérents.
Votre grand oncle n’a plus mal au coude, mais ce n’est pas parce que le Père François, qui sentait la vache qui ne se douche pas, dit lui avoir «longé le nerf» avec son gros pouce enduit de graisse à traire que c’est pour ça qu’il n’a plus mal.

Même s’il vous jure mordicus que depuis 10 ans qu’il l’a vu il-n’a-plus-jamais-ressenti-la-moindre-douleur-au-coude. Vous avez juste un grand oncle influençable qui oublie les mauvais souvenirs et ne tient pas compte qu’une épicondylite finit toujours par disparaître, avec ou sans prières.
Ce qui est vrai en revanche, c’est qu’un nerf est aussi une structure sensible et que sa sensibilité peut être diminuée par de grands mouvements lorsqu’on le fait glisser sans l’étirer, un peu comme quand vous vous frottez intuitivement le coude quand vous venez de vous le cogner dans la porte : vous n’êtes pas guéris, mais immédiatement après, c’est mieux.
Mon ostéo m’a dit que ma tête radiale et ma cinquième vertèbre cervicale étaient déplacées
Vous êtes allé voir votre ostéopathe et il vous a fait craquer le coude et les cervicales et depuis ça va mieux ? Ou c’est pareil et c’est pour ça que vous avez demandé des massages au docteur ?
Les histoires de vertèbres bloquées ou d’articulations pas à leur place, c’est un peu comme les nerfs qui se déplacent : elles ne se déplacent que dans l’imaginaire du praticien et/ou du patient réceptif à ces croyances. Il y a quelques preuves que le fait de brutaliser une articulation considérée comme fragile par votre cerveau le rassure, mais ça ne dure qu’un temps. D’un autre côté, si vous avez déjà dépensé 4 fois 50 €, ça ne peut pas être pour rien, vous n’êtes quand même pas idiot. Si ?
Pourquoi la tête radiale ? Pourquoi précisément la 5° cervicale ?
Il faut aller en chercher la raison dans les vieux grimoires d’ostéopathie à la lumière vacillante d’une chandelle. C’est l’histoire de l’homme qui a vu l’homme, qui a vu l’ostéopathe, c’est comme la potion magique, ça se raconte de bouche de druide à oreille de druide. On en formation de druides.
La tête radiale est facilement palpable, elle peut donner l’impression de n’être pas a sa place et le bruit que fait le coude quand l’ostéopathe le brutalise laisse croire à une «remise en place». Mais aujourd’hui, aucune étude ne vient étayer ces pratiques. Vous trouverez tout au plus quelques études montrant que c’est un poil mieux que de ne rien faire, sur le moment. Donc, à moins d’être aussi influençable que votre grand’oncle, il va falloir chercher ailleurs pour un résultat durable.
Mon rhumato m’a juste dit qu’il a de bons résultats avec une infiltration de cortisone (mais il n’a pas dit que c’est de la cortisone parce que ça fait peur aux gens)
Injecter de la cortisone dans l’articulation entre la tête radiale et l’humérus est souvent proposé. C’est une intervention sans trop de risque qui a elle aussi un effet positif sur le court-terme. Par contre, pour des raisons obscures, il est aussi démontré que les patients sont aggravés sur le moyen-terme. Du coup, vous allez mieux le lendemain et un mois plus tard c’est pire…
Et mon kiné ?
Pour poursuivre la séance : l’épicondylite (2)