La peau a une fonction discriminante, nous permettant de manipuler des objets et de détecter le toucher et la température, et une fonction émotionnelle et affective, qui peut se manifester par des démangeaisons ou des douleurs lorsque la peau est endommagée.
Deux classes différentes de fibres nerveuses assurent la médiation de ces aspects indissociables somatosensoriels cutanés :
1- les fibres myélinisées A-bêta et afférences A-delta qui fournissent une information rapide sur l’emplacement et les caractéristiques physiques du contact cutané
2- les fibres afférentes amyéliniques lentes C qui sont généralement associées au codage des propriétés émotionnelles de la douleur et des démangeaisons.
Cependant, une recherche récente a identifié une troisième classe sous la forme de fibres afférentes C qui codent le caractère agréable du contact, pouvant être utilisée lors de thérapies comme le massage.
Oldies but goldies, quelques études passent les années sans que leurs conclusions soient trop remises en cause… Ou pas. Retour vers le (peut être) futur. Note rédigée originellement dans ActuKinéle Lundi 1 Juin 2015
Ces fibres ont été découvertes chez des rongeurs dès 1939. La découverte récente d’une catégorie similaire de fibres nerveuses amyéliniques mécanosensibles innervant la peau humaine, qui répondent de façon optimale aux caresses et au toucher doux et seraient d’une catégorie distincte de celles détectant la douleur et les démangeaisons fournissent le substrat neurobiologique pour le toucher affiliatif ou affectif positif.
Schéma issu de l’article
Les études de microneurographie montrent que le stimulus préféré pour ces fibres est une lente et douce caresse sur leur champ récepteur à la vitesse de ~ 5 cm / s.
Il faut noter que cette voie afférente n’a pas été retrouvée à partir de la peau glabre.
Les fibres myélinisées A-bêta et A-delta fournissent une information rapide sur l’emplacement du contact avec la peau, et une variété de paramètres de stimulation concernant les propriétés discriminatoire du toucher (vitesse, force de pénétration, texture, seuil de détection du toucher léger, vibrations).
L’évaluation quantitative du toucher affectif a été peu étudiée.
Il est connu depuis plus de 100 ans que les matériaux doux / lisses sont ressentis plus agréablement que les matériaux raides / rugueux. Plus récemment, ce ressenti agréable ou désagréable de textures (velours, coton, maille en plastique) s’est avéré fiable et reproductible en utilisant un dispositif de stimulation tactile contrôlé par ordinateur (voir la figure dans le texte).
Sans surprise, le velours et le coton produisent des notes plus élevées de douceur que la maille de plastique, avec des vitesses de force légère à ~ 5 cm / s perçues comme plus agréable que les vitesses plus rapides ou plus lentes.
En outre, les stimuli agréables déplacés sur la peau velue avaient des notes plus élevées que le même stimulus déplacé sur la peau glabre (ce qui peut s’expliquer par l’absence de ces fibres dans la peau glabre)
La réponse affective au même stimulus varie également pour différents sites du corps, avec des sites au visage ayant la plus forte réaction affective.
D’autres études ont confirmé l’hétérogénéité des notations de toucher agréable, qui est en corrélation avec la densité d’innervation par ces fibres à ces endroits du corps.
Pour avoir un meilleur aperçu des expériences perceptives phénoménologiques de toucher agréable, Guest et al. ont utilisé une approche qualitative pour développer un lexique tactile, qui est une langue globale pour décrire l’expérience de contact (sur la base de la même méthode utilisée pour le McGill Pain Questionnaire).
Les résultats ont montré que la réponse émotionnelle tactile était composé de «plaisir, d’excitation et de domination» et que ces traits ont également été identifiés dans d’autres documents et semblent être des termes universels généralement en relation avec les sensations de « confort».
Les types de contacts tactiles agréables interpersonnels :
Les effets bénéfiques du toucher interpersonnel sur la santé et le bien-être sont connus depuis Hippocrate. Le contact peau-à-peau entre les individus est souvent vécu comme très agréable, véhiculant des signaux sociaux et affiliatifs importants pour les humains et les autres primates.
Le contact interpersonnel est également important dans le développement physique et cognitif.
Le toilettage :
Le toilettage est extrêmement important pour les humains et les primates. L’auto-toilettage se fait principalement pour des raisons d’hygiène, alors que le toilettage social conduit à un lien social chez les primates.
Bien que les humains toilettent leurs comparses beaucoup moins que les autres primates du fait de la communication fondée sur la langue, le contact social joue encore un rôle important dans les relations humaines affectives quotidiennes (tapotements, caresses, câlins), qui aident à former des relations intimes.
Les processus neurologiques exacts sont inconnus, mais on sait que le toilettage libère des betas-endorphines, qui ont un rôle dans le contrôle de la douleur et des démangeaisons.
Le massage :
L’ocytocine est libérée lors de de touchers non-sexuels, comme le massage du dos. Le massage abaisse la pression artérielle et soulage le stress, et peut jouer un rôle similaire aux béta-endorphines, mais avec un effet plus court.
Les études sur les bienfaits du massage démontrent qu’il est un traitement complémentaire efficace pour la douleur chronique et la détresse, y compris la dépression et l’anxiété. Toutefois, les avantages signalés sur le système immunitaire dans la douleur du cancer sont contradictoires. Le massage doux, sous forme de longs mouvements caressants sur la peau et ne stimulant pas les muscles est précisément le stimulus préféré pour les fibres nouvellement découvertes.
Des études antérieures utilisant l’EEG ont montré que les adolescents déprimés qui ont reçu 15 minutes de massage avaient une réduction de l’activation frontale droite – une zone associée à l’affect négatif et les tendances de retrait.
Sous IRMf, Lindgren et al. ont brossé les participants sous quatre conditions : Contact humain avec ou sans mouvement et contact avec un gant de caoutchouc avec ou sans mouvement.
Le contact humain avec le mouvement a été perçu comme le plus affectif et permettant l’activation sensorielle d’une zone de traitement de la récompense, région du cerveau qui est également activé en réponse à l’analgésie opioïde et, de manière intéressante, à des interventions placebo.
Références bibliographiques :
Lloyd DM. Somatosensory pleasure circuit: from skin to brain and back. Exp Dermatol. 2015 May;24(5):321-4. doi: 10.1111/exd.12639.