
Je n’ai pas trouvé d’étude sur les effets du kétoprofène sur les mains du kiné…mais la concentration du produit dans les genoux massés est plus importante que lors de son administration par voie orale [Rolf 1999], ce qui laisse penser que les paumes des mains de masseur, usées par des années d’abrasion sur les peaux des patients, pourraient être les premières à acquérir ces quasi-miraculeuses vertus anti-inflammatoires…et à courir un risque allergique majeur.
Selon le site Egora du 18 avril 2019
Kétoprofène et ibuprofène pourraient aggraver les affections bénignes pour lesquelles ils sont utilisés, et favoriser ainsi des complications infectieuses graves, alerte l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui appelle à la « vigilance ».
Les kinés sont confrontés quotidiennement avec ces médicaments depuis longtemps, au moins sous forme de pommades. C’est quasiment un feuilleton, ce médicament.
Épisode 1 : Décembre 2009 : Le Kétoprofène gel interdit à la vente
L’Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSaPS) à décidé de suspendre, à partir du 12 janvier 2010, l’autorisation de mise sur le marché des médicaments contenant du kétoprofène sous forme de gel
Le kétoprofène, ce sont quelques spécialités bien connues comme le Ketum ®, le Profenid Gel ®, ainsi que des gels génériques.
Le site de l’AFSSaPS rapporte des cas de réactions cutanées exagérées et/ou anormales à la lumière, dont la gravité peut conduire à des hospitalisations et à des arrêts de travail (371 cas d’effets indésirables, dont 62% étaient graves, ont été rapportés de janvier 2001 à février 2009). Combien de masseurs-kinésithérapeutes dans le lot ?
Épisode 2 : Mercredi 27 Janvier 2010 : Le Kétoprofène gel désinterdit à la vente
La société Menarini, qui commercialise cette spécialité, a porté plainte auprès du Conseil d’État et les vilains fonctionnaires de l’Affssap ont été priés de revoir leur copie.
C’est vrai, que ce produit représente le deuxième chiffre d’affaire de la société Menarini, 1er groupe pharmaceutique italien, 2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaire, 12 500 collaborateurs. Son slogan : Menarini, à la conquête de la vie.
Ca ne s’invente pas…
La raison, sur Wikipedia, en date du jeudi 18 avril 2019
Le Conseil d’État français a annulé par ordonnance du 26 janvier 2010 la décision de l’AFSSAPS du 17 décembre 2009 qui retirait l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du Ketum 2,5 % gel, à la suite d’un référé du laboratoire Menarini France. Le Conseil d’État a en effet jugé que les cas de photoallergie recensés, estimés à une trentaine pour plusieurs millions d’unités vendues par an, ne changeait pas « le bénéfice/risque du gel de kétoprofène ». De plus, selon le Conseil d’État, la suspension d’AMM aurait eu une forte incidence sur l’activité du laboratoire Menarini, le Ketum gel fournissant son deuxième chiffre d’affaires.
Épisode 3 – Depuis 2015, le gel n’est plus remboursé
Comme toujours, des patients vont se plaindre que le gouvernement, l’État, la Sécu les volent en déremboursant tous leurs médicaments fétiches. Mais la vraie raison, c’est que le service médical est insuffisant. Ce qui veut dire clairement, que ce médicament ne vaut pas tripette.
Quitte à rembourser un truc sympa qui ne guérit pas, moi, je choisi les bonbons Haribo….
Épisode 4 – Rappel de la dangerosité par l’ANSM
Egora indique
Seuls les cas les plus graves survenus chez des enfants et des adultes (souvent jeunes) sans facteur de risque particulier ont été retenus dans cette enquête. Selon ses résultats, « en 18 ans, de 2000 à 2018, 337 cas de complications infectieuses dont 32 décès ont été répertoriés pour l’ibuprofène et 46 cas dont dix décès avec le kétoprofène », a détaillé à l’AFP le Dr Philippe Vella, directeur des médicaments antalgiques à l’ANSM.
Sinon, quelle efficacité ?
Quand on cherche dans la littérature, on s’aperçoit qu’il n’est pas meilleur que le diclofénac, ce qui nous informe pas sur une efficacité particulière [Esparza 2007].
Il est possible de démontrer une activité antalgique statistiquement plus importante chez le rat [Sekiguchi 2008], mais cela ne nous informe pas sur son intérêt clinique chez l’homme.
Une méta-analyse [Mason 2004] réalisée à partir d’essais portant en cumulé sur 2853 patients se prononce en faveur de ce produit qui est significativement meilleur que le placebo dans 19 des 26 essais avec un nombre nécessaire de patients à traiter de 3,8 pour des améliorations sur une semaine (50% d’amélioration de la douleur), ce qui n’est pas mal du tout.
Dans cette méta-analyse, il n’y a pas de différence statistique entre les effets indésirables du ketoprofen et du placebo. Il paraît même que le kétoprofène en pommade ne présente pas d’effets indésirables différents de son administration par voie orale. Pourtant, quand on voit ce qu’il se passe chez le rat, çà fait peur…
Références bibliographiques
Esparza F, Cobián C, Jiménez JF, García-Cota JJ, Sánchez C, Maestro A; Working group for the acute pain study of SETRADE. Topical ketoprofen TDS patch versus diclofenac gel: efficacy and tolerability in benign sport related soft-tissue injuries. Br J Sports Med. 2007 Mar;41(3):134-9.
Mason L, Moore RA, Edwards JE, Derry S, McQuay HJ. Topical NSAIDs for acute pain: a meta-analysis. BMC Fam Pract. 2004 May 17;5:10.
Rolf C, Engström B, Beauchard C, Jacobs LD, Le Liboux A. Intra-articular absorption and distribution of ketoprofen after topical plaster application and oral intake in 100 patients undergoing knee arthroscopy. Rheumatology (Oxford). 1999 Jun;38(6):564-7.
Sekiguchi M, Shirasaka M, Konno S, Kikuchi S. Analgesic effect of percutaneously absorbed non-steroidal anti-inflammatory drugs: an experimental study in a rat acute inflammation model.BMC Musculoskelet Disord. 2008 Jan 31;9:15