
Vous avez plus de 50 ans et votre médecin vous a diagnostiqué un canal lombaire étroit comme origine de vos douleurs lombaires.
On sait aujourd’hui que vous n’avez significativement pas, sur deux ans, plus de bénéfices à vous faire opérer qu’à vous faire prescrire des séances de kinésithérapie.
Quel est le problème et qu’en sait-on ?
Le canal lombaire étroit (CLE) est une diminution de l’espace de la colonne vertébrale dans lequel se loge la moelle épinière et ses racines se rendant aux membre inférieurs. Cette diminution de calibre peut entrainer une compression relative des racines susceptible d’engendrer des douleurs, des engourdissements, des faiblesses musculaires du bas du dos, des cuisses, des jambes.
Il faut savoir que la moelle épinière se termine très haut dans la région lombaire. Elle se poursuit par des racines nerveuses mais vous ne courez aucun risque de paralysie comme de « finir dans une chaise roulante » si vous ne vous faites pas opérer.
Certains patients subissent des interventions chirurgicales pour diminuer les compressions nerveuses.
Une illustration de cette chirurgie :
La kinésithérapie est une alternative au traitement chirurgical, comme le démontrent désormais plusieurs études, comme celle-ci, parue en 2015 [1] :
Qu’ont fait les chercheurs de cette étude ?
Ils ont comparé les effets de la chirurgie avec ceux de la kinésithérapie chez des patients souffrant de canal lombaire étroit.
Quels étaient ces patients ?
169 patients en passe d’être opérés d’un canal lombaire étroit et volontaires pour l’être avant de participer à l’étude.
Comment l’étude à été réalisée ?
Les patients ont été répartis de façon aléatoire dans un groupe de patients destiné à être opérés ou dans un groupe de patients destiné à n’avoir que de la kinésithérapie.
Les séances de kinésithérapie ont été réalisées à raison de 2 séances par semaine pendant 6 semaines et incluaient des exercices destinés à augmenter la souplesse de leurs dos et jambes, la force de leurs jambes, complétés par l’apport de connaissances à propos des postures susceptibles de diminuer leurs troubles.
Les déficits des patients ont été évalués à 10 semaines, 6 mois, 1 an et 2 ans.
Qu’ont trouvé les chercheurs ?
Au bout de 2 ans, les patients ayent eu de la kinésithérapie sans chirurgie se sont améliorés autant que ceux traité uniquement par chirurgie.
Les complications les plus habituelles de la chirurgie concernaient des infections post-opératoires, une cicatrisation retardée, la nécessité de faire une nouvelle opération chirurgicale.
Seule une augmentation des symptômes a pu être retrouvée comme complication du traitement de kinésithérapie isolée.
Quelles sont les limites de cette étude ?
Certains patients ont insisté pour être opérés. 57% des patients devant faire partie du groupe kinésithérapie ont de fait été opérés ; 43 % d’entre eux n’ont pas eu de chirurgie.
L’étude n’a pas inclus un 3° groupe de patients ne bénéficiant ni de chirurgie ni de kinésithérapie.
Remarques :
L’analyse était en intention de traiter, ce qui est un critère en faveur de la qualité d’une étude et signifie que même si le patient veut changer de groupe au début ou en cours d’étude, ce qui est son droit, ses résultats seront comptabilisés comme s’il avait fait partie du groupe assigné au départ. Ce procédé à tendance à gommer les différences entre les deux groupes, mais cela signifie a contrario qu’une vraie différence bien marquée entre les deux traitements est susceptible d’apparaitre, ce qui n’est pas le cas ici.
Comme un 3° groupe sans chirurgie ni kinésithérapie n’a pas été crée et suivi, il est possible que ne rien faire et attendre suffise pour améliorer voire supprimer les symptômes du patient.
Quelles sont les implications de cette étude ?
Un programme standard de kinésithérapie a le même effets que la chirurgie concernant les déficits physiques provoqués par le canal lombaire étroit.
Les patients porteurs d’un canal lombaire étroit devraient analyser avec leur médecin traitant des bénéfices et des risques comparés de la chirurgie avec les traitements non-chirurgicaux.
Une revue Cochrane confirme la possibilité d’une alternative à la chirurgie
Les revues Cochrane sont une réunion d’experts médicaux indépendants. Leur avis fait autorité.
En 2016, une revue Cochrane [2] avait aussi conclu à la non supériorité de l’option chirurgicale par rapport aux traitements conservateurs dans le traitement du CLE.
Cinq études contrôlées randomisées, portant sur 643 patients, avaient été incluses dans la revue. Aucune différence à 6 mois comme à un an ne se retrouvait en faveur de la chirurgie.
Et même si, à 24 mois un avantage significatif pouvait se retrouver en faveur de l’option chirurgicale, la majorité des études rapportaient des complications associées à la chirurgie (fracture de l’apophyse épineuse, ischémie coronaire, détresse respiratoire, hématome, accident vasculaire cérébral, réintervention, décès lié à un œdème pulmonaire, …), ce qui n’est évidemment pas le cas de la prise en charge en kinésithérapie.
Lire le résumé en français de la revue et la consulter sur ce lien.
Quels sont les traitements alternatifs ?
Une dernière étude, parue en 2019 [3] a comparé l’efficacité clinique de 3 interventions non chirurgicales pour les patients atteints de CLE.
Toutes les interventions ont été réalisées pendant 6 semaines avec un suivi à 2 et 6 mois.
Des patients âgés de plus de 60 ans atteints de CLE ont été recrutés dans le grand public. Ils devaient présenter des preuves anatomiques de CLE à l’IRM ou au scanner et de symptômes cliniques associés (claudication neurogène, amélioration des douleurs en flexion). L’analyse était en intention de traiter.
Interventions
Ont été comparés :
- Des soins médicaux isolés, médicaments et / ou injections épidurales par un médecin de rééducation.
- Des exercices en groupe réalisés par des éducateurs sportifs
- Une prise en charge en thérapie manuelle couplée à des exercices en individuel, par des chiropraticiens ou des kinésithérapeutes.
Indicateurs
- Un questionnaire dédié au CLE (Swiss Spinal Stenosis questionnaire),
- Une mesure de la marche (Self-paced walking test)
Ont servi à mesure les différences entre les groupes à 2 mois.
Thérapie manuelle et exercices
Les cliniciens ont suivi un protocole de traitement pragmatique comprenant 3 interventions de base :
- Un échauffement sur vélo de rééducation
- De la thérapie manuelle, qui comprenaient une mobilisation en décompression / étirement lombaire, une mobilisation des hanches, des lombaires et sacro-iliaque et des glissements neuraux.
- Un apprentissage individualisé des exercices de renforcement musculaire rachidien et d’étirements destinés à être réalisés à la maison.
Chaque patient a été évalué. Le professionnel de la santé a ensuite mis au point un programme individualisé d’exercices d’étirement et de renforcement pour chaque patient.


Posologie
Les patients ont été traités 2 fois par semaine pendant 6 semaines, chaque séance de traitement ayant duré environ 45 minutes.
Résultats
259 participants (moyenne d’âge 72,4 ± 7,8 ans. 137 femmes) ont été répartis dans les trois groupes.
Les analyses ajustées entre les groupes à 2 mois ont montré que la thérapie manuelle couplée à l’exercice individualisé entraînait une amélioration plus importante des symptômes et de la fonction physique par rapport aux soins médicaux (-2,0; IC 95%, -3,6 à -0,4) ou à l’exercice en groupe (-2,4; IC 95%). , -4,1 à -0,8).
La thérapie manuelle couplée à l’exercice individualisé montrait une plus grande proportion de patients répondant bien au traitement (30%) des symptômes et de la fonction physique (20%) et de la capacité de marcher (65,3%) à 2 mois par rapport aux soins médicaux (7,6% et 48,7%, respectivement) ou aux exercices de groupe (3,0% et 46,2%, respectivement).
Il n’y avait cependant pas de différences à 6 mois entre les groupes dans les scores de résultats moyens ou les taux de réponse.
Conclusions et pertinence
Une combinaison de thérapie manuelle et d’exercice individualisé permet une amélioration plus rapide des symptômes, de la fonction physique et de la capacité de marcher que des soins médicaux ou des exercices en groupe, bien que les 3 interventions soient associées à de mêmes améliorations de la capacité de marche sur le long terme.
Quel résultat vous pouvez espérer, vous, sans chirurgie ?
Vous venez de lire que pour le meilleur des traitements non-chirurgicaux, qui sont aussi efficaces que les traitements chirurgicaux, vous n’avez qu’un peu plus de 30% de patients satisfaits. C’est pas beaucoup et cela signifie qu’un peu moins de 70% de patients ne voient pas trop de résultats à ces prises en charge médicales ou chirurgicales.
C’est un peu l’impression qu’on en a, mais on voit tous les jours des patients qui s’en sortiront mieux que d’autres :
Ce sont les plus actifs, positifs, joyeux, optimistes, courageux, résolus, décidés à s’en sortir, …
Tout votre portrait ? Alors vous n’avez plus de crainte à avoir, tout va s’arranger rapidement pour vous !

Références bibliographiques :
[1] Delitto A, Piva SR, Moore CG, Fritz JM, Wisniewski SR, Josbeno DA, Fye M, Welch WC. Surgery versus nonsurgical treatment of lumbar spinal stenosis: a randomized trial. Ann Intern Med. 2015 Apr 7;162(7):465-73. doi: 10.7326/M14-1420.
Résumé de l’article disponible en ligne
Surgery versus physical therapy for treating lumbar spinal stenosis. Ann Intern Med. 2015 Apr 7;162(7). doi: 10.7326/P15-9009.
Articles en rapport avec le sujet
[2] Zaina F, Tomkins-Lane C, Carragee E, Negrini S. Surgical vs nonsurgical treatment for lumbar spinal stenosis. Spine (Phila Pa 1976). 2016;41(14):E857-E868.
(Article en accès libre)
[3] Schneider MJ, Ammendolia C, Murphy DR, Glick RM, Hile E, Tudorascu DL, Morton SC, Smith C, Patterson CG, Piva SR. Comparative Clinical Effectiveness of Nonsurgical Treatment Methods in Patients With Lumbar Spinal Stenosis: A Randomized Clinical Trial. JAMA Netw Open. 2019 Jan 4;2(1):e186828. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2018.6828.
(Article en accès libre)
J’ai été opérée 2 fois pour un canal lombaire etroit.
ère intervention en 2016, soulagée totalement jusqu’en septembre 2020.
Puis, les memes douleurs réapparaissent et l’impotence fonctionnelle à la marche avec sensation de paresie des jambes.
Que faire ?
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Chaque personne est un cas particulier, unique, avec son histoire, son passé, ses traumatismes, ses envies, … Si nous pouvions apporter une solution personnalisée à chaque patient dans ce blog, ça se saurait 😀
Vous devriez vous approchez d’un praticien en qui vous avez confiance.
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