
Vous venez de terminer vos études ou quasiment, et vous lirez ce post jusqu’au bout ?
De nos jours, les opportunités d’enseigner la masso-kinésithérapie en France sont de plus en plus étendues, au fur et à mesure que la déréglementation s’accélère, que les instituts de formation en masso-kinésithérapie se développent, et que la masse des enseignants baby-boomers s’investit préférentiellement dans la taille des rosiers et l’abonnement à Camping-Car Magazine.
Autrefois, le diplôme de cadre kiné était le sésame obligatoire ; la réforme de 1995 a fait disparaitre les cadres référents en masso-kinésithérapie au profit du cadre de santé pluri-disciplinaire non formé à l’approfondissement des connaissances dans son propre domaine de compétence. Bien formé au monde de l’hôpital, il est devenu un gestionnaire de service de plus en plus éloigné de la pratique, parfois à son corps défendant.
Passer ce diplôme est désormais une perte de temps si vous ne souhaitez qu’enseigner.
Les derniers aménagements législatifs ont balayé les dernières barrières empêchant les «simples kinés» de participer à l’enseignement. Ils ont la possibilité d’accueillir des stagiaires dans leur cabinet et la pénurie d’enseignants est une préoccupation quotidienne des directeurs d’IFMK. En pratique, comment faire ? Un plan sur quelques années post-DE.
Soigner des patients
Celà peut paraître évident, mais vous savez bien que celà ne l’est pas. Le passage n’est pas obligé, mais n’est pas Gérard Pierron ou Eric Viel qui veut. L’enseignement bonifie la pratique, la pratique enrichit l’enseignement. Et puis, quand on aime ce métier, on le pratique, non ? Sinon, quid de l’exemplarité ?
Cette dé-réforme favorisera les vacations au détriment des enseignants «temps-plein». Même pour enseigner la «techno de base» ?
Surtout pour enseigner la «techno de base» !
Poser votre plaque
Je vais encore faire tousser, mais je vous recommande la pratique libérale, si possible rurale : rien de tel pour appréhender toutes les pathologies abordables dans ce métier.
Les cabinets de ville se spécialisent (traumato, ostéo, respi, …), les CRF aussi (PTH,G,E, hémiplégies, amputés,..). Dans votre petit village, pour que les patients fassent 15 km pour aller voir le MK spécialiste, il vous faudra être vraiment mauvais. Ou boire. Ou les deux. Et que çà finisse par se savoir.
Il faut vous installer quelque part : les remplacements sont sans intérêt. Rien de tel qu’être «maître chez soi» pour mettre en perspective vos traitements, les décider, les achever, revoir le patient 6 mois après. En bref, acquérir de l’expérience.
Se familiariser avec l’anglais lu
Ce n’est pas moi qui va vous dire le contraire : c’est in-con-tour-nable. Tous les écrits «qui tiennent la route» sont en anglais et ont 10 ans d’avance sur les nôtres. Vous connaissez beaucoup de praticiens français validant leurs techniques sous IRM dynamique, vous ?
Imposez-vous de «décortiquer» un article par semaine sur un sujet de votre choix (comme toujours, si vous voulez nous en faire part, you’re welcome…). C’est un peu lourd au début, mais même moi, j’y suis arrivé : vous avez donc toutes vos chances.
Acquérir de solides bases en statistiques
Vous êtes de la «génération PACES» qui a du s’infuser des biostats en sélection. Il vous faut désormais passer de l’inconvénient à l’avantage : cette sélection est un plus pour pouvoir demain encadrer des mémoires en IFMK : tout le monde saute sur sa chaise pour réclamer à cor et à cri l’universitarisation du métier en oubliant juste un petit détail : celle-ci passe par l’utilisation d’outils incontournables comme celui-là, que bien peu d’enseignants connaissent.
Demain, il sera inconcevable de faire ce métier sans çà. Mais aujourd’hui…. Prenez la peine de vous former au Cesam… ou à d’autres formations à la biostatistique : ces formations seront votre ticket d‘entrée dans l’IFMK. Elles sont compatibles avec la pratique professionnelle.
Publier
Si les enseignants ne publient pas dans les revues spécialisées, qui va le faire ? Ceci n’est qu’un exercice de style mais il vous permettra de faire gracieusement corriger le vôtre par le comité de lecture, et de vous faire connaître.
Et puis ce n’est pas évident de bien savoir écrire ou décrire, çà se travaille.
Choisissez une recherche bibliographique sur un thème vous intéressant ou une petite étude stats basique (même les études rétrospectives sur dossiers patients sont acceptées, vu la pénurie d’articles originaux). Acceptez les recommandations des re-lecteurs et remettez « sur le métier votre ouvrage » jusqu’au produit fini : c’est une formation.
Bien sûr, votre choix est limité en France à KS ou KLR (le Journal de Rééducation du Haut-Limousin a un impact-factor plus restreint, les journaux-pubs disponibles dans toutes les bonnes boîtes aux lettres aussi).
Vous former
Il vous faut être pertinent en thérapie manuelle si vous êtes libéral, en kinésithérapie appliquée à la neurologie ou à la pneumologie si vous êtes hospitalier. Celà passe par des formations complémentaires.
L’exploitation des «niches» telle la kinésithérapie maxillo-faciale, la déglutition, l’uro-gynécologie, le vestibulaire, la méthode Mackenzie est aussi une porte d’entrée d’IFMK.
Attention aux formations peu «orthodoxes» : déjà que vous n’êtes pas cadre, si en plus vous apparaissez comme un adepte de la kinésiologie ou de l’envol des sphénoïdes dans le traitement de l’hémiplégie, c’est pas gagné…
Être titré
L’universitarisation n’est qu’une question de temps. Avoir un diplôme universitaire sera un passage obligé pour votre embauche future, même si celà vous apparaît très secondaire.
Pensez plutôt à cumuler les D.U. tant qu’ils existent. Allez trainer du côté des STAPS à l’aide de la validation des acquis de votre expérience, pour poursuivre dans des domaines connexes au vôtre.
Ai-je besoin de vous recommander d’éviter les paradoxales sciences de l’éducation si vous souhaitez être compris de vos élèves ?
Être passionné
Ca ne se commande pas…mais c’est essentiel. Si vous ne pensez qu’aux vacances scolaires et à vous débarrasser des patients, oubliez.
Il me souviens que, jeune étudiant, j’avais demandé à un jeune enseignant pourquoi il avait décidé de faire cette démarche. Il avait envie d’en apprendre plus, l’ingénu ! J’ai mis du temps à comprendre qu’il avait raison (je suis un peu lent à la détente).
Et pourtant, le pré-requis c’est çà : avoir envie d’apprendre et non savoir réciter.
Jean-Louis Estrade
Moniteur-Cadre en Masso-Kinésithérapie (dernière cuvée 1995)